dimanche 19 octobre 2014

La poésie est une arme chargée de futur

Pour être plus authentique, j'aurais dû noter : la poesia es un arma cargada de futuro... car il s'agit bien là d'une poésie de Gabriel Celaya chantée par Paco Ibanez !
On n'est pas ici, dans la poésie de divertissement, de détente... on est dans la poésie de combat !

Cette fois, la poésie  est survie :
On dit les poèmes
qui élargissent les poumons de tous ceux qui,
asphyxiés,
demandent à être, demandent du rythme,
demandent des lois pour ce qu'ils éprouvent d'excessif.

Poésie pour le pauvre, poésie nécessaire
comme le pain de chaque jour,
comme l'air que nous exigeons treize fois par minute, pour être  et tant que nous sommes donner un oui qui nous glorifie.


Elle est témoignage, elle est rébellion :
Parce que nous vivons par à-coups, parce que c'est à peine s'ils nous laissent
dire que nous sommes ceux que nous sommes,
nos chants ne peuvent être, sans péché, un ornement.
Nous touchons le fond.
Elle n'est pas simple évasion : 
Je maudis la poésie conçue comme un luxe
culturel par ceux qui sont neutres
ceux qui, en se lavant les mains, se désintéressent et s'évadent.
Je maudis la poésie de celui qui ne prend pas parti jusqu'à la souillure.

Elle est une arme :
Telle est ma poésie : poésie-outil
à la fois battement du coeur de l'unanime et aveugle. 
Telle est, arme chargée de futur expansif
avec laquelle je vise ta poitrine.

De quoi méditer !

AdA

jeudi 9 octobre 2014

Il fallait ramer soigneusement, pour ne pas déranger les nénuphars.

Si vous avez l'impression de ramer... savourez le paysage !



Un train de banlieue en fin de journée... 
Une grande lassitude et quelques doutes,
Des dossiers dans la tête qui ne veulent pas s'effacer,
Des visages absorbés et tristes,
Toujours cette vague sensation de ramer au quotidien...
Mais un livre, une page et quelques lignes pour retrouver d'autres rameurs...

"Nous nous mîmes aux rames; Lila se prélassait langoureusement sur des coussins. Il y avait juste ce qu'il fallait de gouttes de pluie pour nous témoigner de la bienveillance du ciel qui nous épargnait l'averse. Les nuages avaient cette lourdeur qui aurait gagné à quelque galop, mais le vent ne se pressait guère. Les oiseaux d'avant pluie prenaient paresseusement leurs aises. On entendit très loin un train qui sifflait, mais sans trop de nostalgie, car ce n'était que le Paris-Deauville et il n'évoquait pas de grands voyages. Il fallait ramer soigneusement, pour ne pas déranger les nénuphars. L'eau sentait bon la fraîcheur et la vase, et les insectes tombaient là où il fallait, pour faire courir quelques rides. ce n'était pas la saison de mes amies les libellules. Un gros bourdon tout bête venait parfois faire le clown. Lila, dans sa robe blanche, étendue  parmi ses rameurs, chantonnait une complainte polonaise, le regard tourné vers le ciel, lequel avait bien de la veine. J'étais le plus fort des rameurs mais elle ne s'en souciait guère, et d'ailleurs j'étais soumis au rythme des autres. Il fallait éviter les branches si soignées, car elles y eussent laissé quelques fleurs. Il y avait, bien sûr, un petit pont admirablement tracé et couvert de lampères blanches, tout spécialement venues d'Asie. Mais c'était la seule trace avouée de préméditation, car tout le reste des massifs floraux avait été soigneusement étudié pour avoir l'air sauvage." (Romain Gary, "les cerfs-volants").

Demain, dans mon train sans nostalgie qui ne va même pas à Deauville, je repartirai pour ramer. Mais cette fois, soigneusement; je chercherai à préserver les nénuphars, les branches et les fleurs. Je chercherai les oiseaux d'avant pluie, les insectes et les rides. Je trouverai même des libellules et le gros bourdon. Puis, tel un massif floral, soigneusement, je reprendrai mon air sauvage...

AdA