mercredi 19 décembre 2018

Il était une fois un monde merveilleux

Il était une fois un monde merveilleux. Un monde nouveau que l’on disait « globalisé». Un monde relié, interconnecté en toute liberté, sans frontière, sans barrière, sans idéologie, sans haine et sans guerre. Par le fil numérique, chacun pouvait tendre la main à l’Autre quel qu’il soit, où qu’il soit,  pour devenir son ami. Un monde où le virtuel rêvé imposait sa loi au réel, par sa grâce incarnée, sans obstacle, sans contrainte, sans friction. Dans ce monde, les démocraties fleurissaient au printemps pour porter la liberté et la sécurité de chaque être humain. La richesse partagée sous l’impulsion d’un capitalisme béat, matérialiste, salvateur et universel submergeait toute misère.
S’ouvrait alors un espace où il n’y avait plus d’oppresseurs ni de tyrans. Une terre où les dirigeants incarnaient tous des parangons de vertu, désintéressés, tournés vers le bien commun, « touittant» leur vie privé en guise de transparence. Dans cet élan, même la quête de puissance des Etats avait disparu, balayée par une Histoire en fin de course. Il suffisait de se pencher un peu pour cueillir à pleines mains les dividendes de la paix… La notion même de puissance s’effaçait dans le vague souvenir d’un machisme politique, sexiste, périmé et nocif.
Dans cet univers, l’Homme dépassait son identité, son sexe, sa race, sa religion, sa nationalité et toutes ses valeurs héritées, et donc périmées, pour un relativisme salvateur, abolissant définitivement les préjugés et, consécutivement, les conflits. La Nature allait retrouver seule sa biodiversité et sa pureté sublimée, sans effort, sans perturber notre confort. Les catastrophes naturelles seraient bannies pour éviter tout traumatisme.
Pour parfaire ce bonheur terrestre universel, même la mort devait devenir obsolète, potentiellement reléguée aux oubliettes grâce à une technologie triomphante portée par les nouveaux gourous transhumanistes, augmentant l’homme resté jusque-là très incomplet, très imparfait, très… humain.
La guerre, le malheur, la misère et la mort allaient disparaître à jamais… tout simplement parce que tout le monde reconnait que c’est moche, inutile, désagréable et même contre-productif.


AdA

lundi 17 septembre 2018

Bulle de silence


Je baisse enfin la tête. Je suis à contre-pente avec une vue magnifique sur une vallée verdoyante. Au fond, cours un calme ruisseau. Dans mon dos, des arbres coiffent encore la colline de quelques feuillus.
Je ne vois plus ma bulle mais je l'entends... où plutôt je n'entends rien. Je suis dans ma bulle. Je regarde machinalement mon téléphone portable. Il ne capte rien. Je me sens étrangement libre. Je retrouve les dispositions de mon enfance.
J'écoute encore mais aucun vent ne vient bercer les branches. Et contrairement à mes souvenirs, cette fois, je m'étonne : plus un oiseau ne chante ni ne vole; plus une abeille, plus un criquet. Je suis seul au monde, dans une faune aphone.

mercredi 1 août 2018

La bulle rebelle



Je ressentais de plus en plus l'oppression de la ville, du temps contraint, des obligations professionnelles... Je pressentais qu'il devenait urgent de sortir de cet engrenage. 

Le jour où je me décidai enfin à coincer la bulle, elle m'échappa. Trop fier pour la laisser ainsi filer, je la suivis, sur les chemins de traverse, abandonnant les autoroutes de la réussite et de l'urgence, je pris le temps de marcher, d'observer.

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Une force sourde, intérieure, me serrait le ventre. Je devinai déjà un remord, un  sentiment d'abandon de poste, de perte d'efficacité à chaque instant. Je dominai cette impression pour pousser plus avant ma nouvelle quête, sans but, sans finalité, sans direction. J'allais au gré des vents qui portaient cette bulle, au gré du caprice des courants d'air qui l'élevaient, puis la projetaient brutalement dans un sens puis dans l'autre. Mes premiers remords s'estompaient pour céder la place à une simple inquiétude... perdre ma bulle ou la voir se heurter à une réalité tangible.