Il était une fois un monde
merveilleux. Un monde nouveau que l’on disait « globalisé». Un monde
relié, interconnecté en toute liberté, sans frontière, sans barrière, sans
idéologie, sans haine et sans guerre. Par le fil numérique, chacun pouvait
tendre la main à l’Autre quel qu’il soit, où qu’il soit, pour devenir son ami. Un monde où le virtuel rêvé
imposait sa loi au réel, par sa grâce incarnée, sans obstacle, sans contrainte,
sans friction. Dans ce monde, les démocraties fleurissaient au printemps pour
porter la liberté et la sécurité de chaque être humain. La richesse partagée
sous l’impulsion d’un capitalisme béat, matérialiste, salvateur et universel submergeait
toute misère.
S’ouvrait alors un espace où il n’y avait plus d’oppresseurs ni de tyrans.
Une terre où les dirigeants incarnaient tous des parangons de vertu,
désintéressés, tournés vers le bien commun, « touittant» leur vie privé en
guise de transparence. Dans cet élan, même la quête de puissance des Etats
avait disparu, balayée par une Histoire en fin de course. Il suffisait de se
pencher un peu pour cueillir à pleines mains les dividendes de la paix… La
notion même de puissance s’effaçait dans le vague souvenir d’un machisme
politique, sexiste, périmé et nocif.
Dans cet univers, l’Homme dépassait son identité, son sexe, sa race, sa
religion, sa nationalité et toutes ses valeurs héritées, et donc périmées, pour
un relativisme salvateur, abolissant définitivement les préjugés et, consécutivement,
les conflits. La Nature allait retrouver seule sa biodiversité et sa pureté
sublimée, sans effort, sans perturber notre confort. Les catastrophes
naturelles seraient bannies pour éviter tout traumatisme.
Pour parfaire ce bonheur terrestre universel, même la mort devait devenir obsolète,
potentiellement reléguée aux oubliettes grâce à une technologie triomphante portée
par les nouveaux gourous transhumanistes, augmentant l’homme resté jusque-là
très incomplet, très imparfait, très… humain.
La guerre, le malheur, la misère et la mort allaient disparaître à jamais…
tout simplement parce que tout le monde reconnait que c’est moche, inutile,
désagréable et même contre-productif.
AdA
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