jeudi 21 novembre 2013

"La guerre essaya de nous tuer durant le printemps."

Ainsi s'ouvre le livre de Kevin Powers, Yellow birds.
Un ouvrage simple, cru, direct, parfois brutal. Une surprenante poésie traverse pourtant ce cheminement psychologique douloureux. Une exploration de l'intérieur, une perception de la guerre par un soldat contemporain. On y perçoit le glissement progressif vers ce que l'on nomme aujourd'hui SPT pour "syndrome post-traumatique". Cette souffrance qui hantent tant de vétérans... sous de multiples formes. 

Yellow Birds

Ici, il y a presque une impudeur assumée. Une descente aux enfers d'êtres humains finalement si seuls au milieu des autres. N'y cherchez pas l'exaltation de la guerre ; pas même de la camaraderie dans le guerre.  Elle ne se distingue qu'entre les lignes, à la loupe, sous le jour d'une promesse. Pas de sens de la mission. Pas d'esprit de corps. La narration est plutôt empreinte d’égoïsme et de cynisme, comme pour se protéger... en vain. La farouche volonté d'en revenir s'efface dans le regret d'en être revenu. 

"La cruauté de mon ambivalence ne me surprit pas à l'époque. Rien ne semblait plus naturel que de voir quelqu'un se faire tuer. [.../...]. On ne remarque que les choses inhabituelles. Or la mort n'était pas inhabituelle. Inhabituelle était la balle qui allait vous tuer, la bombe artisanale qui n'attendait que vous pour exploser. Voilà ce qui retenait notre attention. 
Je ne pensai plus à Malik par la suite. Il n'était qu'un personnage secondaire dont l'existence et la disparition ne faisaient que confirmer que j'étais encore en vie. Je n'aurais pas pu le formuler à l'époque mais j'étais entraîné pour croire que la guerre fédérait tout le monde. Qu'elle rassemblait les gens plus que toute autre activité humaine. Tu parles. La guerre fabrique surtout des solipsistes : comment vas-tu me sauver la vie aujourd'hui ? En mourant, peut-être. Si tu meurs, j'ai plus de chances de rester en vie. Tu n'es rien, voilà le secret : un uniforme dans une mer de nombres, un nombre dans une mer de poussière."

Un livre fort, direct. Un témoignage sans concession qui interroge sur la souffrance de nos soldats.



lundi 11 novembre 2013

Entre réalité des choses du monde et subjectivité du poète...


Dans Situation de la poésie (1938), Jacques Maritain se prononce sur l'intitulé de notre blog...
"Il y a une connaissance poétique du monde, mais elle n'est pas pour connaître ni pour connaître le monde, elle est pour révéler obscurément à lui-même et féconder dans ses sources spirituelles le sujet créateur. Si vous prétendez en user pour connaître, elle s'évanouit dans vos mains."


Bon, pour être franc, c'est un peu le sentiment que je commençais à nourrir depuis l'ouverture de ce site... La connaissance poétique du monde est intrinsèquement dépendante de notre propre nature. C'est finalement aussi une connaissance de soi car "le contenu de l'intuition poétique est à la fois la réalité des choses du monde et la subjectivité du poète..." [Maritain, L'Intuition créatrice dans l'art et dans la poésie, 1966].  Mais il s'agit avant tout d'une connaissance qui vise à porter du fruit car elle "connaît non pour connaître mais pour produire. C'est vers la création qu'elle tend.
Idéalement, l'apprentissage d'un savoir doit donc passer par une appropriation et une retranscription pour chaque être afin de lui donner une profondeur et une personnification qui stimulent à la fois la raison et l'émotion par la créativité. On peut alors s'interroger sur les procédés pédagogiques d'apprentissage qui ne visent qu'à une restitution froide et désincarnée. La connaissance fait sens dans une finalité individuelle ou collective. Ce constat peut paraître très théorique en lui-même (mais moi aussi, je chemine en écrivant...). Il me semble pourtant intuitivement que la créativité,  l'inventivité, conjugaison d'un savoir technique et d'une personnalité révélée à elle-même, demeure la clef de voûte de la dynamique économique, sociale et politique d'une société. Or elle ne semble accessible, notamment pour le Bien commun, que quand l'Homme recherche un progrès sans se renier en tant qu'être de Nature...



vendredi 1 novembre 2013

Seul le malaise gagne...



         Cette auto-flagellation française ne nous conduit-elle pas dans le mur ?
C'est tout de même un drôle de signal pour un pays de se déchirer à ce point pour la famille d'un fraudeur insolent, de s'auto-taxer à tout-va pour déséquilibrer ce qui tient encore (épargne et circulation), de ressasser l'image du grand collecteur d'impôts pris la main dans le sac, de s'offusquer de la barbe de nos otages enfin libérés, de concentrer la seule once de fermeté politique contre la liberté de conscience des maires au nom d'une modernité triomphante dont on ne voit jamais la moindre trace pour les affaires sérieuses... 
Dans l'inaction, à l'arrêt, en panne de projets et d'actes tangibles, le bouillonnement des commentateurs dépressifs tient lieu de politique... Agitons, agitons, il en restera bien quelque chose... (suite ci-dessous)