Ainsi s'ouvre le livre de Kevin Powers, Yellow birds.
Un ouvrage simple, cru, direct, parfois brutal. Une surprenante poésie traverse pourtant ce cheminement psychologique douloureux. Une exploration de l'intérieur, une perception de la guerre par un soldat contemporain. On y perçoit le glissement progressif vers ce que l'on nomme aujourd'hui SPT pour "syndrome post-traumatique". Cette souffrance qui hantent tant de vétérans... sous de multiples formes.
Ici, il y a presque une impudeur assumée. Une descente aux enfers d'êtres humains finalement si seuls au milieu des autres. N'y cherchez pas l'exaltation de la guerre ; pas même de la camaraderie dans le guerre. Elle ne se distingue qu'entre les lignes, à la loupe, sous le jour d'une promesse. Pas de sens de la mission. Pas d'esprit de corps. La narration est plutôt empreinte d’égoïsme et de cynisme, comme pour se protéger... en vain. La farouche volonté d'en revenir s'efface dans le regret d'en être revenu.
"La cruauté de mon ambivalence ne me surprit pas à l'époque. Rien ne semblait plus naturel que de voir quelqu'un se faire tuer. [.../...]. On ne remarque que les choses inhabituelles. Or la mort n'était pas inhabituelle. Inhabituelle était la balle qui allait vous tuer, la bombe artisanale qui n'attendait que vous pour exploser. Voilà ce qui retenait notre attention.
Je ne pensai plus à Malik par la suite. Il n'était qu'un personnage secondaire dont l'existence et la disparition ne faisaient que confirmer que j'étais encore en vie. Je n'aurais pas pu le formuler à l'époque mais j'étais entraîné pour croire que la guerre fédérait tout le monde. Qu'elle rassemblait les gens plus que toute autre activité humaine. Tu parles. La guerre fabrique surtout des solipsistes : comment vas-tu me sauver la vie aujourd'hui ? En mourant, peut-être. Si tu meurs, j'ai plus de chances de rester en vie. Tu n'es rien, voilà le secret : un uniforme dans une mer de nombres, un nombre dans une mer de poussière."
Un livre fort, direct. Un témoignage sans concession qui interroge sur la souffrance de nos soldats.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire