"Et Barbadou parle toujours. Que s'il avait formé des résolutions, elles sont loin. L'éloquence est nourrie d'imprévu; elle se rit des programmes. L'esprit souffle où il veut et bien parler n'est point parler comme l'on pense. D'ailleurs Barbadou ne pense pas : il parle. C'est périlleuse besogne."
Je me suis souvent interrogé sur la sincérité des hommes politiques, notamment sur ces orateurs qui vous affirment tout et son contraire, dans le même quart d'heure, avec une force de conviction intacte! Georges Duhamel dans ses lettres au Patagon de 1926 nous livrait déjà la clef!
"Voici qu'un peu d'inattention se manifeste dans l'auditoire... Barbadou sent une petite sueur d'angoisse sourdre à ses tempes. Il a fait fausse route. Toutefois, rien n'est perdu; il est encore temps, pour l'habile nautonier, de rejeter la nef en pleine eau. Cette phrase qui partait au nord, un coup de barre énergique va la tourner de bout en bout et la renvoyer vers le sud. Cette affirmation longuement préparée va, par une adroite et soudaine combinaison des syllabes, s'épanouir en négation. C'est le miracle de la parole qu'elle soit à ce point indépendante de l'esprit. Une seule chose, maintenant, importe : le succès. Que Barbabou triomphe et la cause est sauvée, puisque Barbabou est d'abord l'homme de la cause ! Barbadou est aussi l'homme de tous les sacrifices : il saura sacrifier ses idées à son succès puisque, de son succès, dépend la grandeur de ses idées."
J'étais heurté par ces petits renoncements réguliers... mais j'avais négligé que la vigueur des flux de mots importait plus que leur nature profonde. Ce ne sont donc pas les mots qui pèsent mais la puissance de leur évocation qui peut bien charrier des idées contradictoires du moment que leur débit emporte tout sur son passage. On se souvient de la violence d'un Tsunami, pas de la nature saline précise de son eau.
Alors, je vais continuer à lire... à peser les mots... à tracer la continuité des idées et... à douter de la sincérité des beaux parleurs... mais maintenant, je leur en voudrais un peu moins puisque c'est inhérent à leur éloquence...
AdA
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