dimanche 8 septembre 2013

Hélie de Saint Marc : notre sentinelle du soir rejoint ses ombres sur la piste…

 « J’appartiens à une génération que l’Histoire a traversée de part en part. Dans Les Champs de braises, j’ai raconté ma part de vérité et parcouru à nouveau, pour en retrouver le sens, ces terres où nous avions vécu, les camps de concentration, les rizières du delta, les prisons ou les montagnes d’embuscade. […/…].
Notre chemin a été peu fréquenté. Au cours de cette longue route, nous avons ramassé quelques éclats de vérité. Des êtres remarquables nous ont ouvert leur porte. Des lucioles et des plaisirs ont éclairé notre chemin. Je ne voulais pas que ces souvenirs disparaissent avec le dernier d’entre nous. […/…].
Après avoir vécu tout, et le contraire de tout, certaines blessures brûlent encore comme si on les frottait de sel. Mais d’autres ombres, d’autres bonheurs, veillent en silence. Je les appelle « les sentinelles du soir ». Elles ont le visage de l’espérance. » (Hélie de Saint Marc, Les sentinelles du soir, Les arènes, édition septembre 1999, p 11-12).

Un témoin essentiel de nos guerres orphelines a repris la piste.
Il est à nouveau avec les siens, ceux qui sont tombés sous ses ordres, ceux qui l’ont entouré dans ces années de souffrance, de devoir et d’honneur, ceux qui l’ont aimé. Il n’incarne pas la figure de ces héros invincibles, pétris de certitudes et repus de discours de morale. Peu de place pour des exploits guerriers. Il ne nous a pas livré non plus un traité de géopolitique. Il nous a donné à connaître notre douloureuse Histoire humaine par un récit humble,  grave et souvent poétique : « les paysages nous attirent dans la mesure où ils sont le miroir de notre perception intérieur ». Nous avons pu veiller avec lui sur la nuit dans les montagnes du Tonkin, découvrir la fascination du désert à El Oued et surtout parcourir les cœurs des hommes dans les pires affres de la condition humaine : la guerre « haïssable » et l’enfer concentrationnaire.
Il en reste une stature, celle d’un homme debout dans les vents tourmentés de l’Histoire du monde, poussant sa « carcasse » pas à pas en s’efforçant de toujours saisir l’essentiel, de choisir le chemin et l’attitude qui lui semblaient justes. Il nous offre une image expressive, simple et fragile, de cette « éthique » qui pousse à l’engagement : « Plus d’une fois, je me suis jeté dans l’action pour ne pas fendre davantage la statue intérieure que mes quinze ans avaient façonné, ce modelage de pierre et de plâtre, de choses vues et de chimères qu’ensuite il faut bien faire tenir debout».


Il n’a pas brisé sa statue intérieure. Il est devenu une de nos « sentinelles du soir », un visage de l’espérance.



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