lundi 29 décembre 2014

Un long timbre de voix sur une carte vocale...


Il ouvre la crypte sonore avec une clef de sol et se hisse déjà vers les tubes de la messe basse. 


Grave, il colle un long timbre de voix sur une carte vocale et en mesure la portée. Dans un souffle enveloppé, il poste ensuite un paquet de notes blanches dont il suit le parcours, dans le tri des tuyaux… En quête d’accord parfait, il les conduit enfin avec une bonne adresse, puis s’écarte de quelques croches dans une fugue adaptée. Il s’affranchit ainsi de toute partition recommandée pour livrer une version décachetée. Il se lève enfin, rédige sa note, la soupèse puis la module d’un bémol… plein d’indulgence. Respectant les consonnes à la lettre, il s’avance encore d’une octave et la glisse sous la statue de St Fugace

Le facteur d’orgue a fini sa tournée, musicale par essence, ecclésiale par sens.  

AdA

dimanche 23 novembre 2014

Automne en France

La France a peur de son avenir. Elle fait le dos rond dans l'attente d'un inévitable hiver. Elle ne parvient plus à percevoir la renaissance printanière qui lui succédera... 

Automne malade et adoré
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé dans les vergers




Elle attend la tornade qui viendra détruire ses trésors, ses roses puis refroidir ses arbres de vie. 

Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé

Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé

La France cultive son automne comme une lente agonie qu'elle savoure avec mélancolie ; la fin des saveurs, le souvenir d'un été et les larmes d'un bonheur qui s'efface...

Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent 
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'écoule
Guillaume Apollinaire, Alcools


AdA




dimanche 19 octobre 2014

La poésie est une arme chargée de futur

Pour être plus authentique, j'aurais dû noter : la poesia es un arma cargada de futuro... car il s'agit bien là d'une poésie de Gabriel Celaya chantée par Paco Ibanez !
On n'est pas ici, dans la poésie de divertissement, de détente... on est dans la poésie de combat !

Cette fois, la poésie  est survie :
On dit les poèmes
qui élargissent les poumons de tous ceux qui,
asphyxiés,
demandent à être, demandent du rythme,
demandent des lois pour ce qu'ils éprouvent d'excessif.

Poésie pour le pauvre, poésie nécessaire
comme le pain de chaque jour,
comme l'air que nous exigeons treize fois par minute, pour être  et tant que nous sommes donner un oui qui nous glorifie.


Elle est témoignage, elle est rébellion :
Parce que nous vivons par à-coups, parce que c'est à peine s'ils nous laissent
dire que nous sommes ceux que nous sommes,
nos chants ne peuvent être, sans péché, un ornement.
Nous touchons le fond.
Elle n'est pas simple évasion : 
Je maudis la poésie conçue comme un luxe
culturel par ceux qui sont neutres
ceux qui, en se lavant les mains, se désintéressent et s'évadent.
Je maudis la poésie de celui qui ne prend pas parti jusqu'à la souillure.

Elle est une arme :
Telle est ma poésie : poésie-outil
à la fois battement du coeur de l'unanime et aveugle. 
Telle est, arme chargée de futur expansif
avec laquelle je vise ta poitrine.

De quoi méditer !

AdA

jeudi 9 octobre 2014

Il fallait ramer soigneusement, pour ne pas déranger les nénuphars.

Si vous avez l'impression de ramer... savourez le paysage !



Un train de banlieue en fin de journée... 
Une grande lassitude et quelques doutes,
Des dossiers dans la tête qui ne veulent pas s'effacer,
Des visages absorbés et tristes,
Toujours cette vague sensation de ramer au quotidien...
Mais un livre, une page et quelques lignes pour retrouver d'autres rameurs...

"Nous nous mîmes aux rames; Lila se prélassait langoureusement sur des coussins. Il y avait juste ce qu'il fallait de gouttes de pluie pour nous témoigner de la bienveillance du ciel qui nous épargnait l'averse. Les nuages avaient cette lourdeur qui aurait gagné à quelque galop, mais le vent ne se pressait guère. Les oiseaux d'avant pluie prenaient paresseusement leurs aises. On entendit très loin un train qui sifflait, mais sans trop de nostalgie, car ce n'était que le Paris-Deauville et il n'évoquait pas de grands voyages. Il fallait ramer soigneusement, pour ne pas déranger les nénuphars. L'eau sentait bon la fraîcheur et la vase, et les insectes tombaient là où il fallait, pour faire courir quelques rides. ce n'était pas la saison de mes amies les libellules. Un gros bourdon tout bête venait parfois faire le clown. Lila, dans sa robe blanche, étendue  parmi ses rameurs, chantonnait une complainte polonaise, le regard tourné vers le ciel, lequel avait bien de la veine. J'étais le plus fort des rameurs mais elle ne s'en souciait guère, et d'ailleurs j'étais soumis au rythme des autres. Il fallait éviter les branches si soignées, car elles y eussent laissé quelques fleurs. Il y avait, bien sûr, un petit pont admirablement tracé et couvert de lampères blanches, tout spécialement venues d'Asie. Mais c'était la seule trace avouée de préméditation, car tout le reste des massifs floraux avait été soigneusement étudié pour avoir l'air sauvage." (Romain Gary, "les cerfs-volants").

Demain, dans mon train sans nostalgie qui ne va même pas à Deauville, je repartirai pour ramer. Mais cette fois, soigneusement; je chercherai à préserver les nénuphars, les branches et les fleurs. Je chercherai les oiseaux d'avant pluie, les insectes et les rides. Je trouverai même des libellules et le gros bourdon. Puis, tel un massif floral, soigneusement, je reprendrai mon air sauvage...

AdA

dimanche 28 septembre 2014

Quelle chance ?



J'ai vu passer ma chance par la fenêtre. Je n'ai pas réagi. Je n'étais pas vraiment sûr que c'était elle. Elle passait d'un air distrait, elle ne m'a pas harangué. Elle ne s'est pas nommée. Il m'a bien semblé la reconnaître mais je craignais de me méprendre, d'être indiscret, ridicule...
Et puis, je ne l'aurais pas saisie, elle marchait vite... Elle m'aurait emmené un peu loin, peut-être. Il aurait fallu partir, quitter ce port, ce confort, cette sécurité, ces habitudes...  Il faut quand même dire qu'elle n'y a pas mis du sien. Elle ne m'a pas fait l'article, juste un regard en coin avec cette impertinence, cette espèce de "oseras-tu ?"... 
Moi, je ne voyais pas les choses comme ça... Je l'attendais comme une bourrasque, une tornade... qu'elle me plaque au sol, me bouleverse, qu'elle projette ses feux et ses banderoles avec des inscriptions sans ambiguïté : "je suis la chance, je passe vous chercher". Autant dire qu'elle n'a pas vraiment assuré. J'ai besoin de certitudes, elle aurait pu le savoir. 
De toutes façons, je le sais bien maintenant, elle se manifeste toujours pour les autres... Ceux qui bougent tout le temps, ceux qui disent qu'il faut aller la chercher, la courtiser... qu'elle sourit aux audacieux. Bref, ceux qui sont toujours dans le mouvement, ceux qui ne savent pas attendre.

Moi, je vais retourner m'asseoir, regarder par la fenêtre...des fois qu'elle repasse... un peu plus près...

AdA

jeudi 28 août 2014

Oui, j'ai quitté ce port tranquille...



"Oui, j'ai quitté ce port tranquille,
Ce port si longtemps appelé,
Où loin des ennuis de la ville,
Dans un loisir doux et facile,
Sans bruit mes jours auraient coulé..." 
(Voyage, Alphonse de Lamartine).

Voilà qui annonce un retour.... un retour un peu douloureux...  qu'il faut bien atténuer en vous retrouvant autour d'un projet poétique !
Je m'aperçois ainsi qu'un blog sur le leadership propose aimablement de venir me lire à l'occasion :
(http://leadershipsavoir.wordpress.com/2014/07/28/faire-appel-a-la-poesie-pour-developper-son-leadership/)... 

L'approche est aussi inattendue qu'intéressante. Je ne sais pas vraiment si la poésie permet de développer son leadership mais je constate qu'elle permet au leader inscrit souvent dans l'action immédiate et dans l'urgence de s'évader brièvement... En quelques vers, quand il ne trouve plus le temps de lire de longues pages, il quitte son univers, reprend du champ, de la perspective ... Or, cette prise de recul me semble fondamentale car l'une des préoccupations d'un chef doit être aussi de s'échapper de la contrainte temporelle et de la pression auto-génératrice. Il doit pouvoir capter les tendances de moyen et long termes, échapper aux contraintes d'une rentabilité de court-terme pour retrouver le sens de son action. S'il ne le fait pas, il sera moins lucide, y laissera sa santé et sa faculté d'anticipation.
Dans cette aération, il puisera aussi quelques pépites ; au détour d'une page, quelques mots captiveront son esprit sans avoir été prémâchés par des spécialistes du coaching... des mots qui l'inspireront sur le fond et la forme de son action car ils répondront à une attente personnelle du moment. Cela m'est arrivé bien souvent. En situation de responsabilité, il y a bien longtemps, je me souviens avoir trouvé cette phrase du Maréchal Lyautey dans ses lettres du Tonkin :
"Je ne conçois le commandement que sous la forme directe et personnelle de la présence sur place, de la tournée incessante, de la mise en oeuvre par le discours, par la séduction personnelle, par la transmission visuelle et orale de la foi, de l'enthousiasme".
Je l'avais prise pour une leçon de leadership personnelle... à sa relecture, je crois qu'elle pourrait inspirer bien des dirigeants... Je la livre donc à la sagacité du bloggeur qui a bien voulu me citer !

AdA

dimanche 22 juin 2014

Le crépuscule de Victor Hugo...


Quel scandale, la poésie a encore frappé... au BAC !

Victor Hugo n'a jamais laissé indifférent... Mais aujourd'hui encore, certains élèves mal avertis veulent sa peau : "Victor Hugo si j'te croise dans la rue t'es mort...". On peut certes s'en indigner mais reconnaissez que les délires numériques nous valent quelques réparties de haute volée ! 
Ainsi le : "Que dit-il, le brin d'herbe ? et que répond la tombe ?" de l'auteur bénéficie d'une contre-interrogation fine de notre jeunesse : "pourquoi tu tapes la discut entre une tombe et un brin d'herbe (...) ?" (je vous épargne la fin de la question...) ou une comparaison artistique pénétrante : "Y'a Hugo Tout Seul qui fait des vidéos, et Victor Hugo qui lui est pas tout seul dans sa tête avec ses brins d'herbe...".

Quand on lit ces touits, il nous vient l'envie de souhaiter bon courage aux correcteurs... et de dire aux plus agressifs de notre élite future de savourer les derniers vers du poème coupable :
"Aimez-vous ! c'est le mois où les fraises sont mûres.
L'ange du soir rêveur, qui flotte dans les vents,
Mêle, en les emportant sur ses ailes obscures,
Les prières des morts aux baisers des vivants."

AdA

samedi 12 avril 2014

Le roman entre dans le cyberespace...



Certes, on s'écarte un peu de la poésie... surtout pour le style... mais les livres de Tom Clancy ont toujours été de bons indicateurs de la pensée sécuritaire officielle des Etats-Unis...

En effet, Tom Clancy nous a déjà fait traverser la guerre froide avec un sous-marin nucléaire russe (Octobre rouge), combattre le Terrorisme (Jeux de guerre), lutter contre les trafiquants de drogue (Danger immédiat) ; il nous a sensibilisé aux enjeux de l’Espace (le Cardinal du Kremlin)… Cette fois, il nous entraîne dans un combat contre la Chine via le Cyberespace, avec quelques Russes encore égarés de-ci de-là. 
Dans « cybermenace », baptisé différemment « threat vector » en V.O., il y a encore les ingrédients qui ont fait le succès des ouvrages précédents : Jack Ryan (père… et fils cette fois, tel un label déposé), beaucoup de technologie, des services secrets et un engrenage politique destructeur. Encore une fois, la force de l’ouvrage réside dans la dynamique de l’intrigue et des enjeux, dans l’utilisation méticuleuse d’une documentation technique très riche et d’actualité. En fait, il est intéressant de constater que ce type d’ouvrage aborde de façon romancée des problématiques contemporaines que l’on retrouve aujourd’hui dans de nombreux essais ou traités stratégiques américains et même … français. 

La trame générale de la rivalité sino-américaine sur fond de cyber et la combinaison des menaces physiques classiques avec les cyber-menaces viennent parfaitement conforter les thèses de deux officiers français dans leur livre  Attention : Cyber ! Vers le combat cyber-électronique. En effet, ils y évoquent un parallélisme certain, dans la stratégie américaine, entre la guerre des étoiles contre l’URSS et la confrontation dans le cyber contre la Chine (lire « les stratégies d’une nouvelle guerre froide ? »p.132). Dans leur description du champ de bataille d’un futur proche (chapitre sur « le combat cyber-électronique au cœur des opérations »), ils donnent aussi l’exemple de la prise de contrôle de drones (p. 177).

Bref, en relisant Tom Clancy, il devient possible de traverser les trente dernières années de la perception sécuritaire des Etats-Unis avec ce tropisme très marqué pour la haute technologie, les services de renseignement et leur influence sur les mécanismes décisionnels des dirigeants. A l’heure des révélations de Prism et des rivalités cybernétiques entre Russes et Ukrainiens autour de la Crimée, on peut se demander si ce nouvel ouvrage ne donne pas le ton pour inclure le cyber dans les conflits modernes.

AdA.

vendredi 21 février 2014

Je garde mon Cap ...



J’habite un littoral où le souffle est passion,
Un écrin de granit accroché sur un cap,

J’habite un océan agité par l’azur,
Vu d’une verte prairie courue de mille talus,

J’habite en Armorique chez un oiseau marin,
Coiffant de vastes plages ou niché dans les failles,

J’habite un bout du monde en pointe d’Eurasie
Au gré d’un vent solaire illuminant les voiles,

J’habite un port de brumes perdu dans les embruns,
Berceau d’un horizon, refuge d’une aventure,

J’habite à la frontière de tous ces absolus,
Sans avoir à choisir… puisque je ne pars plus…



Je garde mon Cap !

AdA

dimanche 26 janvier 2014

J'ai ancré l'espérance aux racines de la vie ...

Pour clôturer ce premier mois de la nouvelle année, que je voulais fondé sur l'espérance, j'ai trouvé ce poème d'Andrée Chedid. L'espérance s'y entoure des mots qui font l'homme avec une grande noblesse. 

J’ai ancré l’espérance

Aux racines de la vie
Face aux ténèbres

J’ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
A la lisière des nuits
Des clartés qui persistent

Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries
Des clartés qui renaissent

Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir
J’enracine l’espérance

Dans le terreau du cœur
J’adopte toute l’espérance
En son esprit frondeur.



Tout y est :
  • un socle : ancre, racine, terreau ;
  • une audace : faire face, se dresser, renaître, frondeur ;
  • une lumière : clarté, flambeaux ;
  • un être : vie, cœur, esprit.
AdA

dimanche 5 janvier 2014

Espérance en chemin...

Pour celui qui a un peu voyagé hors des sentiers battus, loin des chemins chargés du tourisme de masse, il y a quelque indécence à revenir dans notre univers national gâté mais plaintif et dépressif...
Pour celui qui voit la France comme un souffle dans l'Histoire du monde, chargée d'idées, d'héroïques victoires et de grandes figures, mûrie de ses grandeurs et de ses erreurs, il y a comme une déception de la voir atone, culpabilisée et auto-flagellatoire...
Pour celui qui voit la France comme la patrie de la famille, de l'école publique pour tous, de la sécurité sociale, il y a comme une incompréhension à la voir détruire ce qui la singularisait pour céder dans un même mouvement aux sirènes d'une vision qualifiée de progressiste et pourtant déjà arriérée...


Mais pour celui qui connait la France, sa vaste littérature et son Histoire mouvementée, il sait que cette passade est en train de générer une nouvelle prise de conscience de l'évolution réelle du monde. Il verra poindre au delà des poncifs de la défaite et du déclin, une ambition, une lueur d'écologie humaine en construction, graine d'avenir, gage d'équilibre dans la dignité.
Il verra en marche et en devenir :
"Cette petite espérance qui n'a l'air de rien du tout.
Cette petite fille espérance.
Immortelle. [.../...]
L'Espérance est une fille de rien du tout,
Qui est venue au monde le jour de Noël de l'année dernière,
Qui joue encore avec le bonhomme Janvier
Avec ses petits sapins en d'Allemagne. Peints.
Avec sa crèche pleine de paille que les bêtes ne mangent pas,
Puisqu'elles sont en bois.
C'est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes.
C'est cette petite fille de rien du tout.
Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus.
La petite espérance s'avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend seulement pas gardes à elle.
Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance
S'avance.
"Charles Péguy "Le Porche du Mystère de la deuxième vertu". 1912